mardi 9 juin 2009

Les leçons d’une campagne

Cet article est également disponible sur http://vivelarepublik.blogspot.com/, blog que je reprends après cette campagne européenne.

Cette campagne européenne, qui n’a pas passionné les foules, a été l’occasion pour moi de m’impliquer assez fortement pour défendre les listes UMP. Au regard de cette expérience, j’aimerais tirer quelques conclusions, sur les résultats du scrutin tout d’abord mais également sur l’engagement politique de manière plus générale.

Les résultats de dimanche soir sont assez simples à analyser : deux grands vainqueurs (UMP et Europe Ecologie), deux grands perdants (PS et MODEM), un vote extrême contenu (droite comme gauche) et une abstention record qui témoigne de l’éloignement des citoyens pour le fonctionnement des institutions européennes. L’UMP a gagné avant tout sur un bilan : la Présidence Française de l’Union Européenne, Europe Ecologie sur un projet environnemental qui a le vent en poupe et qui présente la particularité de ne pouvoir s’articuler qu’au niveau européen ou mondial. Le PS et surtout le MODEM ont perdu sur leur incapacité à parler d’Europe et sur leur antisarkozysme stérile.

Cette première lecture doit cependant être affinée pour saisir tous les paradoxes de cette élection. L’UMP tout d’abord a profité du mode de scrutin proportionnel à un tour qui bénéficie aux listes d’union, la majorité bénéficie donc d’un effet de loupe qui masque son absence d’alliés potentiels. Nul doute que les élections régionales, qui se dérouleront sur deux tours, seront beaucoup plus difficiles à gérer pour l’UMP. Sur le fond, l’UMP a beaucoup parlé d’Europe durant cette campagne, mais finalement assez peu du rôle du Parlement Européen. C’est inévitable pour un parti qui privilégie une approche intergouvernementale de l’Europe, on est donc en droit de se demander quelle sera la valeur ajoutée réelle des députés de la majorité élu dimanche dernier.

Europe Ecologie s’est illustrée d’abord et avant tout par le talent de sa tête de liste Daniel Cohn-Bendit, pour qui il est difficile de ne pas éprouver de la sympathie tant il semble à la fois sincère et enthousiaste. Il est apparu comme un recours pour les électeurs de gauche ou du centre qui ne se sont pas reconnus dans les campagnes ternes du PS ou du MODEM. Sur le fond, l’unanimisme écologique qui règne depuis dimanche ne doit pas être une occasion d’évacuer les vrais problèmes, à commencer par celui du nucléaire. C’est l’urgence climatique qui a porté la dynamique en faveur d'Europe Ecologie, ce qui implique de trouver toutes les réponses qui permettent de limiter les émissions de gaz à effet de serre : les écologistes ne peuvent plus continuer à esquiver le débat sur l’intérêt du nucléaire dans ce contexte.

Le Parti Socialiste a été durement sanctionné, certainement beaucoup plus qu’il ne le méritait. Il faut reconnaître l’effort qui a été celui du PSE de bâtir un programme commun pour cette élection. Le problème, c’est que l’idéologie sous-jacente à ce programme – la social-démocratie – est dépassée. La mondialisation a rendu caduque le présupposé selon lequel le progrès économique et le progrès social vont de pair. Le retour en force de la régulation n’a pas pu profiter aux PS européens en raison de la conversion des partis conservateurs au pouvoir à ces thèses. En réalité, le PS n’a pas grand-chose à offrir aux Français que ce que fait Nicolas Sarkozy, et les électeurs le ressentent. S’il y a un terrain idéologique qui demeure inoccupé aujourd’hui, c’est plutôt celui du libéralisme.

Le Modem paye l’obsession présidentielle de son leader maximo François Bayrou. Jamais un parti issu de la grande famille de la Démocratie Chrétienne n’aura aussi peu parlé d’Europe. Dévoré par l’ambition, rongé par la paranoïa, l’éternel 3ème homme a perdu tous ses nerfs quelques jours avant le scrutin en insultant Daniel Cohn-Bendit. Cet épisode lui a certainement coûté de nombreuses voix. Malgré ce naufrage électoral, le Modem reste en position centrale : ni la droite ni la gauche ne peut revendiquer la majorité des voix sans lui. Ce serait donc une erreur d’enterrer François Bayrou trop tôt, sa capacité de nuisance reste forte même si ses chances présidentielles sont aujourd’hui très faibles. C’est la seule bonne nouvelle de ce scrutin pour le PS qui voit s’éloigner son concurrent le plus dangereux.

L’abstention record en Europe, enfin, frappe le nouveau Parlement d’une certaine illégitimité. Que pèsera ce Parlement élu par si peu de citoyens, sur des bases aussi peu claires ? A quoi bon consulter les électeurs par des scrutins de liste quand il s’agit de désigner avant tout de « bons » députés européens qui devront rechercher un consensus afin de peser face au Conseil des Ministres Européen ? A l’avenir, j’entrevois une possibilité de politiser davantage le scrutin européen : imposer que tous les membres de la Commission soient issus du nouveau Parlement et qu’ils cèdent leur place à un suppléant. Dans ce cadre, le Président de la Commission ne serait plus proposé par le Conseil Européen mais par le Parlement. Le Conseil désignerait quant à lui le véritable homme fort de l’Union : le Président du Conseil.

Après ces considérations électorales, j’aimerais évoquer la question de l’engagement politique. Certains lecteurs de mon blog ont pu trouver étrange que je prenne fait et cause pour un parti au cours de cette campagne, prenant le risque d’abandonner tout esprit critique. Je pense en fait que la vie politique est faite de périodes d’action et de périodes de réflexion. Je récuse l’idée qu’il y aurait un « au-dessus » à la politique, un « arrière-monde » composé d’idées pures qui s’opposerait à la fausseté de l’affrontement électoral. Aussi élaborée et complexe soit-elle, une réflexion politique se termine par un bulletin dans une urne, et c’est très bien ainsi. On peut décrier à longueur de temps la faiblesse de l’offre politique, je préfère me dire que cette offre répond à la demande du corps électoral et que si un projet irrésistible existait, il verrait immanquablement le jour dans une société libérale.

Dans ces conditions, il me semble noble de « rentrer dans l’arène » et de défendre une liste ou un camp. Bien entendu je ne partage pas l’intégralité des vues de l’UMP, cela ne m’a pas empêché de défendre avec sincérité ce avec quoi j’étais d’accord. Parfois, j’ai été conduit à interpréter la ligne de l’UMP, à me détourner du discours officiel et compassé qui prévaut lors des campagnes électorales, pour exprimer le fond de la pensée conservatrice et libérale. J’ai également été aidé par le sujet dont il était question au cours de cette campagne : l’Europe, car je me reconnais parfaitement dans la politique du Président de la République, ce qui n’est pas forcément le cas de la politique intérieure qu’il mène.

Merci en tous cas aux lecteurs de ce blog, et un grand merci à Sof avec qui nous avons réussi à maintenir un désaccord constructif. Car une bonne ligne politique, c’est une ligne qui peut être contestée : le consensus, loin d’être un aboutissement, est fondamentalement apolitique.

samedi 6 juin 2009

Limites, Puissance, Bien-Etre

La campagne européenne se termine dans la confusion et l’invective. Le spectacle affligeant du seul débat télévisé entre les leaders politiques français n’a permis en rien de distinguer les options proposées par les différents partis. Le débat que nous avons mené sur ce blog me semble au contraire avoir mis en lumière les désaccords de fond qui pouvaient exister entre la droite et les socialistes sur l’Europe. Je vais saisir l’opportunité de ce dernier article pour les synthétiser et répondre par là-même à Sof.

L’UMP propose une Europe puissante mais assortie de limites claires tandis que le PS propose une Europe solidaire sans limites véritables. Telle me semble être, en une phrase, l’essentiel du débat qu’il conviendra de trancher dimanche. Cette analyse rejoint en cela celle du remarquable article d’un Monde (suffisamment rare pour être souligné) : cliquez ici.

Sof m’interpelle sur la notion de puissance, qui pour lui est indissociable de l’idée de guerre. Je suis en total désaccord avec lui sauf à considérer la compétition économique et technologique comme une guerre. La puissance, c’est la capacité d’influer dans le monde, de défendre les intérêts européens ainsi que les valeurs qui nous unissent. La puissance, c’est la croissance et le pouvoir d’achat de chaque européen dans les années à venir. Il ne s’agit donc pas du tout de bâtir un projet politique « antisocial » mais bien de mettre les bœufs avant la charrue : c’est notre puissance et notre développement économique qui nous permettront de financer notre modèle de protection sociale, pas l’inverse. Cette puissance nécessite un leadership politique clair, qui doit selon moi (et l’UMP) se faire au niveau intergouvernemental c’est-à-dire incarné par le Président du Conseil Européen.

Mais cette Europe-puissance ne peut se faire que dans le cadre de limites clairement définies. Limites géographiques tout d’abord, car l’Europe doit en finir avec la dilution pour gagner en profondeur et en unité. Limites politiques ensuite avec le respect strict des compétences dévolues à l’Union c’est-à-dire l’application du principe de subsidiarité. En commençant ce débat avec Sof, j’ignorais que ce sujet deviendrait finalement notre point de désaccord le plus profond. Il s’agit en effet d’un débat essentiel.

Pour Sof, le domaine de compétence de l’Union est le résultat du mandat que reçoivent les députés européens qui sont élus. Il s’agit donc, en quelque sorte, d’élire une assemblée constituante, capable de donner son avis sur tout. Cette vision me fait très peur, car il faut accepter de pousser le raisonnement jusqu’au bout. Imaginons que les électeurs européens, dans leur majorité, donnent mandat à leurs députés de démanteler le système de protection sociale partout en Europe ou de garantir une liberté totale en matière d’expression religieuse. Dans ce cadre, la France devrait se conformer à cette volonté générale européenne, quand bien même ces sujets ne relèvent pas des compétences de l’Union. Qui ne voit pas le danger que cela représente ?

Fort heureusement, les traités actuels empêchent cette omnipotence du Parlement Européen et sont donc beaucoup plus proches de la conception du principe de subsidiarité défendue par l’UMP. L’Europe ne doit s’occuper que de choses où elle apporte une valeur ajoutée, pour le reste elle doit laisser une liberté d’action et de décision aux Etats membres.

Les limites (géographiques et politiques) sont une condition de la puissance. La puissance est la condition de notre bien-être et de notre niveau de protection sociale. Voici le credo de l’UMP ! C’est la raison qui m’amènera dimanche à voter pour ce parti politique aux élections européennes.

mercredi 3 juin 2009

Simplement

Je constate avec bonheur que nous sommes passés de cinq enjeux déterminants à deux questions essentielles. Je vais y répondre clairement, tout en m'interrogeant sur la pertinence des trois restant.

Quelle est ma définition de la subsidiarité, autrement dit quelles sont pour moi les matières sur lesquelles l'Union Européenne est compétente ? Il appartient aux électeurs de la définir en donnant par leur suffrage un mandat à la Commission et au Parlement.

Notre protection sociale est elle un handicap ? Mon cher ami Vincent nous dit que ce système est la ruine de la puissance européenne. J'ai envie de me demander ce que veut dire ce mot de puissance et quel est son objectif. Si l'Europe préparait une guerre, je m'accorderais avec Vincent pour dire que ce système de protection sociale est un handicap. Dans un contexte où il s'agit d'offrir à chacun les moyens d'exercer son libre arbitre afin d'être à même de vivre la vie qui lui convient, l'équilibre est plus subtil.

L'équilibre que cherchent les sociaux-démocrates européens, c'est celui qui permet au pays dans lequel il s'exerce de figurer parmi les gagnants de la mondialisation, sans laisser les plus faibles des citoyens être incapables de goûter à ces bénéfices. En un mot, un pays gagnant dans la mondialisation, avec une population sans perdants. C'est le système de protection sociale qui permet de resserrer les liens de la solidarité nationale qui ont tant tendance à s'effilocher dans la mondialisation, chacun espérant y gagner en sacrifiant les autres.

Certains pays ont en partie réussi ce challenge. Il s'agit des pays nordiques, qui ont montré, alors qu'ils n'avaient pas d'avantages comparatifs délirants, que l'ont pouvait conjuguer une économie en forte croissance avec un fiscalité élevée et un protection sociale audacieuse. Le Danemark a longtemps été et reste un modèle dans ce genre. Souvenez-vous, en 2005, un gouvernement de droite, celui de Dominique de Villepin, vantait la flexi-sécurité du modèle danois.

Ce modèle était l'oeuvre d'un homme qui a été Premier Ministre du Danemark entre 1993 et 2001. Rasmussen arrive alors que l'économie danoise traverse une crise profonde : le chômage est proche des 10%, la balance commerciale est déficitaire. Son action a commencé par une relance keynésienne appelée « kick start », suivi de la mise en place d'un système de protection sociale qui alliait efficacement solidarité et responsabilisation des allocataires. Au moment de quitter le pouvoir, le chômage était ramené à 4,9%, la balance commerciale largement excédentaire, la croissance supérieure à 3%, la dette réduite à moins de 30% du PIB.

Au vu de ce bilan, je vous l'avoue, j'aimerais être gouverné par Rasmussen. Nous ne pouvons pas l'avoir comme président. Mais il est le candidat du PSE pour présider la Commission européenne.

Le 7 juin, ce sera à vous de jouer.