samedi 6 juin 2009

Limites, Puissance, Bien-Etre

La campagne européenne se termine dans la confusion et l’invective. Le spectacle affligeant du seul débat télévisé entre les leaders politiques français n’a permis en rien de distinguer les options proposées par les différents partis. Le débat que nous avons mené sur ce blog me semble au contraire avoir mis en lumière les désaccords de fond qui pouvaient exister entre la droite et les socialistes sur l’Europe. Je vais saisir l’opportunité de ce dernier article pour les synthétiser et répondre par là-même à Sof.

L’UMP propose une Europe puissante mais assortie de limites claires tandis que le PS propose une Europe solidaire sans limites véritables. Telle me semble être, en une phrase, l’essentiel du débat qu’il conviendra de trancher dimanche. Cette analyse rejoint en cela celle du remarquable article d’un Monde (suffisamment rare pour être souligné) : cliquez ici.

Sof m’interpelle sur la notion de puissance, qui pour lui est indissociable de l’idée de guerre. Je suis en total désaccord avec lui sauf à considérer la compétition économique et technologique comme une guerre. La puissance, c’est la capacité d’influer dans le monde, de défendre les intérêts européens ainsi que les valeurs qui nous unissent. La puissance, c’est la croissance et le pouvoir d’achat de chaque européen dans les années à venir. Il ne s’agit donc pas du tout de bâtir un projet politique « antisocial » mais bien de mettre les bœufs avant la charrue : c’est notre puissance et notre développement économique qui nous permettront de financer notre modèle de protection sociale, pas l’inverse. Cette puissance nécessite un leadership politique clair, qui doit selon moi (et l’UMP) se faire au niveau intergouvernemental c’est-à-dire incarné par le Président du Conseil Européen.

Mais cette Europe-puissance ne peut se faire que dans le cadre de limites clairement définies. Limites géographiques tout d’abord, car l’Europe doit en finir avec la dilution pour gagner en profondeur et en unité. Limites politiques ensuite avec le respect strict des compétences dévolues à l’Union c’est-à-dire l’application du principe de subsidiarité. En commençant ce débat avec Sof, j’ignorais que ce sujet deviendrait finalement notre point de désaccord le plus profond. Il s’agit en effet d’un débat essentiel.

Pour Sof, le domaine de compétence de l’Union est le résultat du mandat que reçoivent les députés européens qui sont élus. Il s’agit donc, en quelque sorte, d’élire une assemblée constituante, capable de donner son avis sur tout. Cette vision me fait très peur, car il faut accepter de pousser le raisonnement jusqu’au bout. Imaginons que les électeurs européens, dans leur majorité, donnent mandat à leurs députés de démanteler le système de protection sociale partout en Europe ou de garantir une liberté totale en matière d’expression religieuse. Dans ce cadre, la France devrait se conformer à cette volonté générale européenne, quand bien même ces sujets ne relèvent pas des compétences de l’Union. Qui ne voit pas le danger que cela représente ?

Fort heureusement, les traités actuels empêchent cette omnipotence du Parlement Européen et sont donc beaucoup plus proches de la conception du principe de subsidiarité défendue par l’UMP. L’Europe ne doit s’occuper que de choses où elle apporte une valeur ajoutée, pour le reste elle doit laisser une liberté d’action et de décision aux Etats membres.

Les limites (géographiques et politiques) sont une condition de la puissance. La puissance est la condition de notre bien-être et de notre niveau de protection sociale. Voici le credo de l’UMP ! C’est la raison qui m’amènera dimanche à voter pour ce parti politique aux élections européennes.

7 commentaires:

  1. Merci Vincent et Sof pour ce débat! Je l'ai suivi avec un peu de retard mais beaucoup d'intérêt, je pense clairement qu'il a relevé le débat autour de ce scrutin.
    Je reconnais n'y connaitre pas grand chose et être doté d'énormément de mauvaise foi, mais même les ignorants ont un avis, et le mien penche clairement en faveur de Vincent! Pour ma part la principale raison est le manque flagrant d'unité concrète du PS/PSE malgré le discours tenu, qui décrédibilise immédiatement toute tentative de construction d'une ligne politique.

    Sur le fond, l'approche économique de l'UMP, bien défendue par Vincent, me parait être la plus viable, quoiqu'en disent certains commentateurs, et a surtout le mérite de se démarquer de l'escalade ridicule des chiffres concernants d'hypothétiques plans de relance vantés par les autres partis. C'est une manoeuvre que j'ai dû mal à dissocier d'une démagogie pure et dure, sport non plus national mais maintenant européen pour lequel suivre l'actualité politique plus de 5 min suffit à devenir expert.
    Maintenant annoncer un budget est une chose, le tenir en est une autre. Je n'y crois pas une seconde dans le cas du PSE, je ne fais pas non plus une confiance absolue à la droite, mais au moins... Je demande à voir!

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  2. Merci en tous cas à toi d'avoir animer la section "commentaires" de ce blog, j'aurais aimé que davantage de personnes suivent ton exemple !

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  3. Merci à vous deux pour vos débats, toujours très intéressants (qui en doutait...). Je m'opposerai cependant (dans un pur esprit polémique) à cette conclusion de Vincent, redoutant un interventionnisme forcené de nos députés "quand bien même ces sujets ne relèveraient pas des compétences de l'Union".. Tu en dis trop, ou pas assez :-/
    Le Parlement Européen intervient par nature au sein de son domaine de compétence, et ta phrase tend à laisser penser que celui-ci serait mal défini, un blanc-seing inacceptable et dangereux qui n'existe bien sûr pas. Cette dernière remarque me semble un peu légère, et bien sûr orientée :-P
    A moins que tu ne veuilles faire référence au récent vote du "Paquet Télécom", s'opposant sur le fond à la loi dite "Création et Internet", et qui illustre les nouvelles confrontations entre droit national et communautaire ?

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  4. @ Merlin,

    Ce que je remets en cause, c'est moins la clarté des traités que l'incohérence des programmes politiques de certains partis, qui font des propositions qui ne sont pas du ressort du PE.

    Par ailleurs, je connais la tendance naturelle de chaque institution (parlements, conseil constitutionnel, cour de justice européenne...) à vouloir augmenter petit à petit leur domaine de compétence : c'est assez humain comme comportement. C'est pourquoi il me semble important que les députés européens en campagne s'engagent à respecter scrupuleusement le périmètre fourni par les traités. L'initiative anti-Hadopi des eurodéputés PS est selon moi très révélatrice (quelle que soit l'opinion qu'on peut avoir sur Hadopi par ailleurs) : ce n'est pas à l'UE de déterminer comment la France doit lutter contre le téléchargement illégal. Bref, le parlement européen n'est pas un contre-pouvoir aux parlements nationaux.

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  5. @Vincent,
    très bien, je comprends un peu mieux ce que tu as voulu dire. Il me semble néanmoins que tu simplifies quelque peu l'initiative européenne sur le paquet télécom : ce n'est effectivement "pas à l'UE de déterminer comment la France doit lutter contre le téléchargement illégal", mais il est du rôle de l'UE de veiller à ce que chacune des politiques et législations nationales restent dans un cadre fondamentalement acceptable du point de vue de la justice ou des droits de l'homme. (comme prévu dans la "constitution" européenne il me semble). De ce point de vue, l'article polémique présent dans le paquet télécom ne fait que rappeller le droit à une procédure judiciaire (et contradictoire ?) pour toute atteinte aux libertés fondamentales en europe, rappel dans lequel le parlement européen est dans son rôle.
    Un texte honnête et clairement défini n'aurait pas eu à rougir de ce rappel européen, mais c'est un autre débat..

    Le Parlement Européen n'est donc pas un contre-pouvoir aux parlements nationaux, mais il est de ses compétences de s'assurer que ceux-ci respectent dans leurs initiatives législatrices le cadre qui leur est imparti.

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  6. L'actualité du jour vient de montrer que ce rôle de "contrôle" du Parlement revenait avant tout au Conseil Constitutionnel et pas au Parlement Européen.

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  7. ... ou que le droit européen et français ont un recouvrement non nul.. ce qui légitime a postériori les inquiétudes des membres du parlement européen, et ramène l'amendement dit "Bono & Cohn-Bendit" au rôle de rappel au niveau de l'UE de la prévalence de certains principes (encore chers aux yeux de certains).
    La piqure était de fait nécessaire, vu le peu de frais que 53% des membres de l'assemblée nationale faisait de ces quelques inquiétudes (suffisantes pour nos Sages), mais le débat est tout autre..

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