
1- Quelle définition concrète donne-t-il au principe de subsidiarité ? Reconnaît-il avec moi que certains sujets qu'il a évoqué dans ce blog (harmonisation contraignante des salaires minimaux, égalité homme/femme ou lutte contre le téléchargement illégal...) ne relèvent pas des compétences de l'Union car les Etats peuvent très bien s'en charger eux-mêmes ?
2- Partage-t-il l'enthousiasme général pour un modèle social européen protecteur et que l'on souhaiterait encore plus protecteur et ne craint-il pas, comme moi, que ceci ait un coût élevé en termes de compétitivité économique et signe donc la fin de toute ambition européenne en tant que puissance ?
Mais, insaisissable, je continue à porter l'estocade en ajoutant un nouveau sujet de débat après la lecture du dernier article de Sof, qui concerne cette fois la politique économique et plus particulièrement la relance budgétaire face à la crise. Je vais y consacrer tout le reste de cet article car ce sujet est très important et signe une vraie rupture politique (elles ne sont pas si nombreuses) entre le PS et l'UMP.
Les socialistes nous disent : "l'Europe n'a pas fait assez face à la crise, notamment en terme de relance budgétaire. Il aurait fallu se coordonner et mettre plus d'argent sur la table, comme ont pu le faire les Américains. La preuve, les USA sortiront de la crise, de l'avis général, avant l'Europe". Mais cela ne tient pas tant à une efficacité supérieure de leur plan de relance qu'à deux raisons tout à fait objectives : l'une accidentelle, l'autre structurelle.
Ensuite on nous dit, les Etats-Unis ont mis 5% du PIB sur la table et l'Europe à peine 1% et la France 0,4% (reprenant des chiffres de l'OCDE). La comparaison de ces chiffres n'a strictement aucun sens. Tout d'abord, si la France dépense si peu et si le plan de relance n'est que de la communication, comment peut-on expliquer l'augmentation considérable de la dette de notre pays en 2008, 2009 et vraisemblablement 2010 ? Sarkozy est vraiment très fort, il arrive à ce point à faire de la mystification autour de son plan de relance que les fonctionnaires de l'INSEE et de la Commission Européenne en soient tout étourdis ! La réalité c'est que les dépenses colossales d'investissement et surtout de protection sociale (les amortisseurs sociaux dont on parle tant et qui n'existent presque pas aux US) sont bien réels et que l'Europe a donc mis sur la table ce qu'elle estimait nécessaire. Vouloir augmenter le plan de relance dans le seul but de dire "j'ai fait autant que les USA" relève autant de la puérilité que de l'irresponsabilité.
Entrons davantage dans le fond du problème : quel doit être l'objectif principal d'un plan de relance ? Il doit être de sauver des emplois. Un bon plan de relance c'est donc un plan qui sauve le plus d'emplois possibles et qui coût le MOINS cher possible. Si l'objectif est seulement d'avoir une bonne croissance pour 2009, j'ai une bonne idée de plan de relance. Empruntons 100 milliards d'euros et embauchons pour 100 milliards de fonctionnaires à ne rien faire (on peut tout donner à un fonctionnaire à la limite, en le payant très très cher). Dans le calcul du PIB 2009, on aura 100 milliards en plus car la valeur ajoutée de la fonction publique est estimée au coût des facteurs, ce qui veut dire plein de croissance en plus : youpi ! Sauf que dans le même temps on aura fait 100 milliards de dette et qu'il faudra les rembourser un jour ou l'autre en y ajoutant les intérêts.
La première mesure intéressante, c'est la productivité de la dépense publique, c'est-à-dire, pour un euro "relancé" combien d'euros de PIB j'ai en plus. Pour les optimistes (dont l'administration Obama), c'est plus que 1, c'est-à-dire que la dépense publique à un effet d'entraînement. Le meilleur exemple, c'est si l'Etat apporte 25% des fonds pour faire un investissement qui ne se ferait pas sans aide publique. Dans ce cas, 1 euro public génère 4 euros dans l'économie, donc la productivité est de 4. Si, en revanche, on donne de l'argent pour des projets qui ne servent à rien, alors la productivité est proche de 0. Les pessimistes, c'est-à-dire beaucoup d'économistes américains estiment que la productivité a plus de chance d'être proche ou en-dessous de 1. Et plus on veut faire un plan massif et rapide, plus on est amené à faire un peu n'importe quoi et donc à descendre en-dessous de 1. Les investissements vraiment utiles et productifs réclament du temps et de la préparation, cela ne s'improvise pas.
La deuxième mesure intéressante, c'est le nombre d'emploi sauvés divisé par le coût du plan de relance. Ce chiffre est assez difficile à obtenir, mais il semble qu'une manière intéressante de l'optimiser soit de donner des aides aux entreprises pour qu'elles ne se séparent pas de leurs employés, en les gardant en activité partielle. Ensuite vient la relance par l'investissement qui fait démarrer des chantiers et donc permet de sauver des emplois. Enfin vient la relance par la consommation qui a un effet beaucoup plus incertain sur le chômage.
Bref, l'idée des socialistes de faire un grand plan de relance par la consommation en Europe, c'est la meilleure manière de gaspiller l'argent public, de creuser la dette et de ne pas sauver des emplois. Il est grand temps de calmer cette furie keynesienne qui sévit actuellement, sans qu'aucun travaux universitaires depuis 1970 ne soient venus réhabiliter cette doctrine économique ! On ne peut pas voir la question de la Relance sans voir le problème de la dette publique. Au motif de sortir de la crise actuelle par tous les moyens, on est peut-être en train de préparer l'impuissance politique pour des décennies entières. Que pourra faire, en effet, un gouvernement avec une dette à 100% du PIB, soit des intérêts qui représentent 15 à 20% de son budget annuel ? Tout l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés y passeront : plus de marges de manoeuvre pour la politique sociale, éducative, culturelle, de défense... Un seul programme politique possible : gérer la dette. Voilà ce que nous préparent ceux qui réclament une relance massive supplémentaire.
Dans ce cadre, c'est une chance que l'Europe ait eu à sa tête, pour faire face à la crise, des gouvernements majoritairement conservateurs qui ont resisté autant qu'ils l'ont pu à cette demande de relance par la consommation. J'associe bien volontiers Peer Steinbrück (pourtant social-démocrate) à cet ouvrage, car il s'est révélé être le plus ardent défenseur des finances publiques. Ces gouvernements se sont concertés et on mis en place les mesures nécessaires pour répondre à la crise, en tenant compte des contraintes budgétaires. Il serait particulièrement malvenu d'aller plus loin à ce stade, alors que les premiers signes de la reprise s'annoncent : la facture sera suffisamment lourde comme cela.
Si je résume, il y a deux différences majeures entre les socialistes et les conservateurs en Europe. Sur le plan social, les premiers souhaitent des règles contraignantes au niveau européen quand les seconds estiment que la politique sociale doit rester de la compétence des Etats. Sur le plan économique, le PS souhaite augmenter l'effort de relance (par la consommation) sans se soucier de la dette supplémentaire occasionnée tandis que l'UMP estime que ce qui devait être fait l'a été. Ca commence à faire pas mal de différences qui devraient aider les électeurs à se déterminer !
Et Vincent conduit le bal...