mardi 19 mai 2009

Au-delà de la rhétorique

J’entends les commentaires fustigeant un débat politicien classique au détriment des idées de fond. Je l’entends d’autant plus que la rhétorique me fait horreur et qu’au cours de mes précédents articles, j’ai essayé de développer quelques idées qui me semblent échapper à la polémique. Laissez-moi les récapituler :

1. L’échelon naturel de la politique en Europe reste la nation, cela implique une application stricte du principe de subsidiarité : ne doit être fait au niveau Européen que ce pour quoi l’Union présente une valeur ajoutée en raison d’un effet d’échelle. Ainsi, le marché commun, les relations commerciales internationales, la diplomatie, la défense, la politique monétaire, la politique industrielle et la recherche ont vocation à être traité par l’UE mais pas la politique sociale, culturelle, éducative, judiciaire ou encore la question de la lutte contre le téléchargement illégal (pour prendre un exemple récent).

2. L'Europe étant avant tout un regroupement de nations souveraines, c’est au futur Président du Conseil Européen (qui sera élu pour deux ans renouvelables en cas d’adoption du Traité de Lisbonne) que doit revenir le leadership politique, j’entends par là qu’il doit être la principale force d’entraînement de l’Union. De ce point de vue, force est de reconnaître que Nicolas Sarkozy a montré ce que pouvait donner un leadership politique fort lors de la Présidence Française de l’Union.

3. Pour construire une Europe politique (qui aujourd’hui n’existe pas, soyons clairs) et pour que les citoyens s’y reconnaissent, il faut impérativement fixer des frontières définitives à l’Union, basées sur des critères géographiques simples et indiscutables. L’élargissement continu mine l’intégration politique Européenne. Cette prise de position ferme doit s’accompagner de politiques de voisinages très ambitieuses, notamment envers la Méditerranée, la Turquie et la Russie.

4. Pour intéresser les gens à la politique (qu’elle soit européenne ou nationale), il faut problématiser les questions et cesser d’accumuler les déclarations d’intention sur lesquelles tout le monde est d’accord. Ainsi, ces élections européennes doivent être bien davantage l’occasion de discuter sur l’orientation générale de l’Union, sur un projet que sur un programme détaillé. Ce programme est illusoire dans la mesure où le Parlement Européen n’a qu’un pouvoir de codécision, ce n’est pas lui qui détermine la politique de l’Union (en tous cas pas lui tout seul).

5. Le risque qui guette l’Europe, c’est que l’obsession de l’idée de protection nous marginalise dans la compétition mondiale, ce que j’ai appelé « l’idéologie du retraité ». Sur le plan diplomatique, cette dérive conduit à un pacifisme niais et à penser naïvement que défendre le droit international suffit pour faire une diplomatie. Sur le plan économique et social, ce goût légitime de la protection a pour conséquence de diminuer la compétitivité de notre industrie (coût du travail élevé, normes environnementales contraignantes) et donc de réduire notre potentiel de croissance. Sur le plan monétaire, l’idéologie du retraité, c’est la crainte de l’inflation qui vient grignoter sa pension : c’est la politique qui est menée par la Banque Centrale Européenne au détriment d’une politique de puissance monétaire.

Ces cinq idées principales ne relèvent pas de la rhétorique, peut-être n’apparaissaient-elles pas suffisamment dans mon propos, c’est pourquoi j’ai décidé de les récapituler. Elles s’inscrivent pleinement dans le débat politique puisque chacune d’elle est contestable, c’est une proposition que je fais et qui me semble conforme à ce que défend l’UMP au cours de ces élections.

Je termine cet article par une analyse comparée (assez rapide) des programmes du PS et de l’UMP pour ces élections. Sur la politique économique, les convergences sont très fortes : régulation du capitalisme financier, modèle de croissance fondé sur l’innovation, la recherche et les technologies vertes, achèvement du marché commun pour renforcer les PME européennes et renforcement du Fonds Européen d’ajustement à la mondialisation. Les différences (c’est ce qui est le plus intéressant) concernent la politique de relance que les socialistes souhaitent voir amplifiée alors que l’UMP estime que ce qui a été fait est suffisant, mais aussi la politique industrielle avec une insistance particulière de l’UMP sur un « patriotisme industriel européen », qui implique notamment un gouvernement économique et monétaire de la zone euro.

Sur la politique sociale, il y a convergence sur la préservation des services publics, la reconnaissance de la charte des droits fondamentaux ou encore sur la lutte contre les discriminations (sujet qui, je le rappelle ne relève pas de l’Union selon moi). En revanche, les différences sont plus sensibles que sur la politique économique : l’UMP dit clairement dans son programme que l’essentiel de la politique sociale relève de l’échelon national et qu’il est important de « défendre nos spécificités sociales ». Face à cela, le PS semble opter pour une harmonisation contraignante des politiques sociales à l’échelle européenne : c’est une réelle divergence de vue.

En ce qui concerne l’immigration, au-delà du ton employé par les deux partis (chacun cherchant à faire un clin d’œil à son électorat), la convergence est presque totale : lutte contre l’immigration clandestine à l’échelle européenne, favoriser l’intégration, défendre le droit d’asile et aider les pays en développement. Cette identité de vues se retrouve sur la politique environnementale avec l’idée de « croissance verte », la mise en application des engagements climatiques pris sous Présidence Française et la volonté d’aboutir à un accord international.

Je termine par la politique étrangère de l’Union. Le PS et l’UMP souhaitent confier un rôle important au futur Haut Représentant de l’UE, qui verra le jour si le Traité de Lisbonne entre en vigueur. Autre convergence plus étonnante : le souhait d’une meilleure coordination des politiques de défense (jusque là ça va) en lien avec l’OTAN (les socialistes français ne semblent pas au diapason du PSE sur ce point). En revanche des différences sensibles d’approche existent à propos de la question des frontières et de l’intégration de la Turquie en particulier.

On le voit bien, les différences politiques majeures ne sont pas si nombreuses que cela entre droite et gauche européenne quand on analyse les différents programmes. Cela me renforce dans l’idée que les cinq points que j’ai énoncés plus hauts sont véritablement ceux sur lesquels doit porter le débat.

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