samedi 9 mai 2009

Un silence éloquent

On m'avait réclamé, dans des articles, des commentaires, plus de fond. On avait critiqué, dans des articles, des commentaires, le manque d'efficacité opérationnelle, le manque de propositions qui faisaient la faiblesse du Manifesto. On avait tambouriné, dans des articles, des commentaires, à grand renfort de moulinets rhétoriques, que la droite, Sarkozy, c'était l'Europe qui agissait, qui proposait, enfin ! C'en était fini de ces socialistes poussiéreux, de leurs doctrines cacochymes et de leur élucubrations propres à faire se lever une salle remplis des anciens de la section CGT des cheminots d'Issy-les-Moulineaux (si certains parmi les lecteurs sont d'anciens membres de la section CGT des cheminots d'Issy-les-Moulineaux, qu'ils m'excusent, ce n'est qu'une image).

Je m'exécute donc, dans l'article « Les Citoyens d'abord », et j'expose le programme social que le PSE propose aux Européens, espérant susciter le débat sur le fond que d'aucuns réclamaient à cors et à cris... Pour recevoir en réponse un article populiste sur les frontières de l'Europe.

Populiste pour deux raisons. Premièrement, il est extrêmement populiste d'agiter un chiffon rouge de concepts vagues pour tenter d'éviter le débat sur le vrai enjeu de cette campagne : Comment l'Europe va-t-elle agir face à la crise dans les années qui viennent pour que les Européens en sortent le plus vite possible ? Car au fond, que doit-on comprendre : que l'on ne peut rien faire en Europe tant que l'on a pas bouté la Turquie en Asie Mineure ? Qu'il faut méditer sur l'héritage chrétien de l'Europe avant de commencer à se demander quel est le droit du travail applicable pour les salariés européens ? On a du mal a ressentir pourquoi la droite brandit de tels étendards au lieu d'aborder sur le fond son programme d'action pour l'Europe. Ces réflexions sont certainement très intelligentes, mais elles n'ont que peu leur place dans un programme de gouvernement de cinq ans au Parlement Européen. L'identité européenne peut être balbutiante, elle est sûrement très incomplète, il faudra sans doute l'inventer, mais cela n'empêche en rien d'agir demain pour les Européens. Les socialistes sont prêts pour cela, ils ont un programme commun, qu'ils sont d'accord et qu'ils veulent agir. La droite en est loin : elle n'a pas de programme commun, pas d'idées, et préfère garder à la Commission un mou qui ne fera rien. La présidence actuelle menée par la Tchéquie (qui est entre nous un désastre) est le meilleur exemple de ce que sera l'Europe avec un parlement et une Commission de droite. Un engagement plus ou moins fort du leader national en fonction de son attachement à l'Europe. Comme Nicolas Sarkozy ne représidera pas l'Union, même si vous avez aimé, c'est définitivement terminé !

Populiste ensuite, pour ne pas dire honteux et démagogue. Mettre ensemble dans un même discours de campagne européenne l'idée de l'héritage chrétien de l'Europe et celle de la Turquie n'a qu'un sens : « Les socialistes sont de méchants internationalistes qui vont faire entrer les Turcs dans l'Union, construire des mosquées partout et vous obliger à voiler vos filles et vous interdire de piccoler et de manger du lard, et...Votez pour moi, je ne sais pas trop ce que je ferai, mais je sais ce que je ne ferai pas (ou pas) » La manière que j'ai de le formuler est certes caricaturale, mais les idées sont les mêmes. Comme je ne suis pas de ceux qui évitent le débat, je vais répondre clairement à ces insinuations.

Tout d'abord, la question de l'héritage chrétien de l'Europe n'est pas un sujet politique. C'est une réalité. De nombreux pays sont chrétiens, d'autres sont laïcs. Je propose pour ma part que l'Union soit une entité laïque et qu'au nom du principe de subsidiarité, la question religieuse relève des Etats.

Ensuite, la question de la Turquie n'est pas si simple. L'argument de la droite est que les Turcs sont éloignés, nombreux et musulmans, et que leur entrée fragiliserait l'Union. Certes. Mais il faut comparer ce que sera l'Union avec eux et l'Union sans eux. En effet, la Turquie, comme tous les Etats d'importance moyenne, cherche à faire corps avec un ensemble plus gros qui lui permettra de s'insérer dans la mondialisation. Quelles alternatives possède ce pays ? S'arrimer à l'Europe, ou pas grand chose. La vraie alternative est plutôt une Europe avec la Turquie ou une Europe avec un voisin de 100 millions d'habitants qui a sombré dans l'extrémisme religieux et dans le nationalisme. Ensuite, il faut affirmer que la citoyenneté et la communauté nationale sont avant tout des communautés de destin avant d'être des communautés de racines et d'origine. La force de la politique, c'est son pouvoir performateur par rapport à la nature des choses. Ce n'est pas parce que l'on connaît mal les Turcs aujourd'hui qu'il faut avoir un jugement définitif à leur endroit sur la possibilité de se comprendre et de vivre ensemble.

Il existe ensuite d'autres arguments qui disqualifient l'argumentaire de la droite. Le premier est que l'adhésion d'un nouvel Etat membre nécessite l'unanimité des Etats présents. Donc si le président Sarkozy est contre, il suffit d'être contre au niveau français et il n'est nul besoin de porter ce sujet à l'occasion d'élections européennes. Le second porte sur la question du calendrier. Il convient de rappeler ici que la Turquie est un Etat aussi musulman que la France est chrétienne. C'est un pays certes éloigné des standards européens en matière de droits de l'Homme et en matière économique. Si adhésion il y a, il faut donc la voir à l'horizon 2020-2025. Pourquoi polluer le mandat 2009-2014 avec cette question à part pour éluder les vrais sujets ? Le dernier argument porte sur la réalité. Dès 2004, l'Union Européenne et la Turquie se sont engagés dans un processus de négociations en vue de l'adhésion. Le président Chirac et le ministre Sarkozy de l'époque ont donné leur accord à ce processus. Que veut dire maintenant cette sortie sur la Turquie ? Des objectifs ambitieux ont été définis avec la Turquie pour arriver à son adhésion. Lui dira-t-on « non » lorsqu'elle les aura atteints ? Il est écrit dans notre constitution que la République reste fidèle aux engagements qu'elle a contractés. Les socialistes croient en la valeur de la parole donnée et de l'engagement. La France a donné sa parole à la Turquie. Elle ne peut pas se dédire sans risquer la honte et l'humiliation.

J'espère que nous reviendront sur le débat de fond de cette campagne, si jamais l'UMP a des propositions à faire. D'ici là, VOTEZ PSE.

2 commentaires:

  1. La conclusion c'est que le débat sur l'entrée de la Turquie dans l'Union doit exister, mais n'a pas sa place dans le cadre des prochaines élections européennes. So what ? Ce blog est fait pour parler d'Europe, pas seulement du parlement européen entre 2009 et 2014. Donc merci à vous d'avoir abordé ce sujet.

    Cependant, aux contempteurs de l'héritage chrétien de l'Europe et de sa dimension politique, je rappellerai que cet héritage est précisément au coeur de la symbolique de l'Union puisque le drapeau n'est autre qu'un symbole marial (douze étoiles sur fond bleu), que l'on retrouve sur la Vierge de la rue du Bac ou dans nombre de ses représentations, en particulier en Equateur et en Colombie...

    RépondreSupprimer
  2. Je tiens à rappeller que le PS à un programme clair et crédible, référez vous au texte du PSE, il est donc inadmissible de prétendre une fois de plus que le parti socialiste avance sans véritable idée ! Les propositions faites par le PS ne sont pas forcément reliés par les média...... ( y aurait-il corrélation média-politique ?)
    En outre je tiens à ajouter que seule la gauche à apporter de grandes réformes pour la france, les avancés social sont du fait du partie socialiste......

    RépondreSupprimer