lundi 4 mai 2009

Le grand écart

Dans son dernier article, Sof a montré l’étendue de ses qualités de gymnaste en faisant un grand écart intellectuel. Souhaitant à tout prix quitter les enjeux politiques majeurs (au rang desquels figurent les institutions et le leadership politique), il a choisi de se focaliser sur des questions lilliputiennes (l’amendement anti-Hadopi déposé par les députés européens PS) ou qui ne sont pas du ressort de l’Union Européenne (l’égalité hommes/femmes). Il est temps d’enrayer cette mécanique pour ne pas terminer la campagne en parlant du vin rosé ou de la spécification de la taille des emballages (deux sujets qui ont fait l’objet de décisions regrettables par ailleurs). Que l’on ne s’étonne pas ensuite de détourner, voire de dégoûter, les citoyens de la politique menée au nom de l’Union européenne.

Je commence par rectifier certains propos de Sof à propos des institutions européennes qu’il m’accuse de vouloir remettre sans arrêt sur la table. Curieuse réaction de sa part que d’entendre « modification des institutions » quand je ne fais que parler de « leadership politique ». Sur le plan institutionnel je ne souhaite qu’une chose : la mise en place du Traité de Lisbonne, largement soutenu par l’UMP contrairement au PS, je suis donc parfaitement à l’aise sur cette question. A ce propos, j’aimerais rappeler à Sof que les compétences exclusives de l’Union ne sont pas du tout la chasse gardée de la Commission puisque chaque décision importante doit être validée par le Conseil des Ministres Européen, donc par les Etats membres. Il n’y a d’ailleurs pas une seule directive européenne qui ne doive recevoir l’assentiment d’une majorité qualifiée de ce Conseil pour être mise en application.

Mais laissons ces considérations institutionnelles pour revenir à mon sujet : l’exercice du leadership européen. Ma position n’est pas celle d’un eurosceptique nationaliste comme aimerait le laisser penser Sof’, mais simplement le reflet de l’esprit et de la lettre des traités en vigueur, notamment celui de Maastricht qui stipule que « le Conseil Européen donne à l’Union les impulsions nécessaires et en définit les orientations politiques générales ». Tout est dit. Je reconnais par ailleurs que les centres de décisions sont multiples au sein de l’Union et que cela exige un bon niveau de coordination entre le Conseil Européen, le Conseil des Ministres, la Commission et le Parlement, mais j’ai du mal à voir à quel moment j’ai pu sous-entendre le contraire…

Venons-en désormais aux sujets qui semblent intéresser le PSE et plus particulièrement le PS. Sof’ mentionne tout d’abord le paquet Telecom qui contiendrait une mesure anti-Hadopi. Cet exemple est révélateur à un triple titre. Tout d’abord cet amendement a été repoussé par le Conseil des Ministres et a du être réécrit, les désirs de certains ne sont donc pas encore devenus réalité. Ensuite, il illustre à merveille qu’en matière de libéralisme, les « régulateurs » ne sont pas forcément où l’on pense. On nous parle d’une loi Hadopi « liberticide » alors qu’elle entend simplement faire respecter le droit (d’auteur en l’occurrence) en régulant internet. Peut-être que si on les poussait un peu, les eurodéputés PS finiraient par nous dire que la régulation des banques et des hedge funds n’est pas nécessaire, voire « liberticide ». Comment peut-on tenir des discours aussi décalés ? Comment peut-on en appeler à la régulation à tout crin dans un cas et à la liberté infinie dans l’autre ? Enfin, et c’est là l’essentiel, cette tentative anti-Hadopi, si elle devait aboutir, porterait un grave coup à l’équilibre des pouvoirs en Europe puisqu’elle ferait du Parlement Européen une sorte de contre-pouvoir des Parlements nationaux. En empêchant un pays d’adopter ses propres règles sur un domaine qui n’est pas de la compétence de l’Union, on prend le risque d’augmenter le divorce entre les citoyens et l’Europe.

Le deuxième exemple de Sof porte sur l’égalité hommes/femmes, qui figure en bonne place sur le Manifesto du PSE. Là encore, comme j’ai eu déjà l’occasion de le dire, en quoi ce sujet doit-il être traité au niveau européen ? Les Parlements Nationaux ne sont-ils pas assez grands pour décider de la durée des congés paternité ? C’est le cas typique du mauvais usage du principe de subsidiarité. Quelle sera la prochaine étape : l’obligation de la discrimination positive à l’échelle européenne ? L’interdiction de la laïcité à la Française ? Sof peut-il nous expliquer ce qu’il entend laisser comme compétences aux Parlements Nationaux ?

L’UMP pense plutôt qu’il faut aborder des sujets plus stratégiques pour l’avenir de l’Union. Tout d’abord poser la question de ses frontières et de ses partenariats régionaux (avec la Méditerranée et la Russie en particulier). Ensuite en abordant la coordination des politiques économiques, notamment en matière de régulation, afin de donner des suites concrètes au plan européen au sommet du G20. Enfin de discuter de l’Europe sociale, en apportant des réponses différentes de celles du PSE. Plutôt que d’imposer un salaire minimum européen, ne serait-il pas plus opportun de fixer des règles pour empêcher le dumping fiscal en Europe, avec des taux minimaux par exemple ? Sans oublier l’environnement, l’immigration, les affaires étrangères… Bref, les sujets passionnants ne manquent pas, c’est sur ceux-là que j’ai envie de débattre, hic et nunc !

3 commentaires:

  1. Messieurs,

    s'il vous plaît, gardez-vous autant que possible de ces attaques politiciennes... Vous êtes jeunes, intelligents et cultivés (Dieu sait que je vous admire pour ça!), vous avez les moyens de nous proposer un vrai débat de fond, qui ne soi pas pollué par des reflexions de bas étages. J'ai parfois l'impression de lire des vieux poiticiens rompus aux effets de manches et autres entourloupes rhétoriques...
    Je m'interroge... est-ce un vrai débat? Cette démarche, nous dit-on dans le premier post de ce blog, "doit être l'occasion du débat, pas de la juxtaposition des certitudes". Vous me semblez avoir déjà achoppé. Il n'est pas trop tard.
    J'ajoute pour finir que je suivrai ce blog pendant les 37 (si j'en crois le bandeau à droite de la page) jours qui restent et que, pour l'instant, la solution gaucho d'un Sof ironique au sommet de son art a mes faveurs. Je ne demande qu'à être bousculé.
    Soyez convaincus, certes, mais pédagogues, honnêtes, ouverts au changement.
    Merci.
    Paul

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  2. Nous nous efforcerons de l'etre. Toute la difficulte consiste a interagir entre nous, et donc a nous repondre l'un l'autre, tout en essayant de construire chacun notre propre reflexion. L'equilibre n'est pas si facile a trouver si on veut eviter des posts trop longs. Je promets pour ma part de faire des efforts a l'avenir.

    Bien entendu, le ton entre nous est volontairement polemique, mais je pense que certaines questions importantes ont ete abordees pour l'instant et notamment celle des competences de l'Union. De quoi doit s'occuper l'Europe ? Que doit-elle laisser au plan national ? Ces questions ne me paraissent pas minces. D'autres sujets ont pour l'instant ete simplement abordes, comme la construction d'une Europe sociale, je souhaite qu'ils soient creuses.

    Pour conclure, je dirais que dans ce blog, je force volontiers mon "ton" mais j'essaye de ne pas tomber dans la simple rhetorique. Je crois profondement aux deux idees principales que j'ai avancee jusque ici : la necessite d'un leadership politique fort de la part du Conseil Europeen et une application stricte du principe de subsidiarite (pas d'intervention de l'Europe la ou elle n'apporte pas de valeur ajoutee).

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  3. L'intention est bonne, pourvu que chacun ne se retranche pas derrière ses propres convictions fermant les yeux et les oreilles aux convictions de l'autre comme cela s'est toujours produit et continue de se produire sur la scène politique. Ce qui d'ailleurs la rend très repoussante et suscite l'indifférence de la majorité des Français. Dans la mesure où cette bonne foi et l'intérêt réciproques seront maintenus, on ne vois pas pourquoi l'expérience ne réussirait pas et ne mettrait pas en oeuvre une masse politique française -- n'espérons pas encore une masse européenne -- agissant de concert dans un seul but: le bien être et le développement des citoyens de tous les pays européens animés de l'intention de bien faire. C'est avec une g rande impatience et une attention aussi claire que j'attends et j'espère le résultat de votre action.

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