mardi 12 mai 2009

"L'injure est la raison de celui qui a tort"

Quelle meilleure réponse au précédent article de Sof que cette magnifique citation de Fénelon ? Loin de répondre sur le même ton et d’entretenir la surenchère, je vais profiter de ce message pour faire le point sur nos derniers échanges et montrer en quoi Sof, et plus généralement le PSE, a tort. Pour montrer que moi non plus je ne me dérobe pas, je vais reprendre l’essentiel des critiques qui m’ont été formulées. J’en vois trois principales : parler des frontières de l’Europe serait une basse manœuvre populiste, l’UMP n’aurait rien à dire sur l’Europe durant cette campagne et enfin je refuserais de débattre sur l’Europe sociale et notamment sur les grandes lignes du Manifesto rappelées par Sof.

Commençons par ce qui justifie le titre de ma réponse : l’entrée de la Turquie en Europe, qui m’a valu les adjectifs de « populiste », « démagogue » et « honteux ». A travers moi, c’est toute la droite européenne qui est visée, Nicolas Sarkozy bien entendu mais également Angela Merkel qui a récemment exprimé elle aussi son opposition à l’intégration de la Turquie en Europe. Circulez, il n’y a rien à voir ! La police de la pensée a décidé que ce sujet ne pouvait pas être abordé, même de manière dépassionnée. Je prends d’ailleurs les lecteurs de ce blog à témoin, mon article sur les frontières de l’Europe ne comportant pas la moindre trace de populisme. Le problème, c’est que ce sujet intéresse les Français et plus généralement les Européens, n’en déplaise aux spécialistes de l’Europe technique. Et pour cause, ce sujet est éminemment politique car il représente une réelle problématique. On ne peut pas intéresser les gens dans une campagne électorale si on ne problématise pas les enjeux : les électeurs sont fatigués d’entendre les mêmes discours compassés dans lesquels ils n’arrivent même plus à « entrer ».

Consulter les citoyens, c’est demander leur avis sur l’essentiel, pas sur l’accessoire, et la question des frontières fait évidemment partie de l’essentiel. Ce sujet est précisément intéressant car il peut donner lieu à un vrai débat, je reconnais d’ailleurs à Sof la cohérence de son point de vue, et pour cause : j’ai longtemps épousé le même pour des raisons similaires. Mais on n’a pas le droit d’étouffer le débat en disant d’un côté que la France aura de toute façon le droit d'opposer son véto, mais que si elle l’utilise alors elle se déshonorera et elle démontrera son étroitesse d’esprit (pour ne pas dire son racisme ?). Engager des négociations ce n’est pas s’engager à ce qu’elles aboutissent, et l’offre faite par Nicolas Sarkozy lors de son discours de Nîmes me paraît tout autant (pour ne pas dire plus) respectueuse du peuple turque que ceux qui promettent tous les ans à ce pays qu’il intégrera l’UE dans 20 à 25 ans.

J’en arrive à la seconde objection récurrente de Sof sur l’absence d’idées de l’UMP sur l’Europe. Il se plaît à souligner le décalage entre le programme commun des socialistes (le Manifesto) et l’absence de programme de l’UMP. Tout d’abord, il faut mentionner que le groupe du PPE au Parlement Européen a publié un programme commun, intitulé le Décalogue et qui décline les grandes valeurs soutenues par les Conservateurs en propositions (http://www.epp-ed.eu/Press/pdoc08/Priorities2008-2009_fr.pdf), sur lequel j’aurai l’occasion de revenir. Mais là n’est pas l’essentiel selon moi, ces élections européennes doivent être l’occasion de présenter un projet aux électeurs plus qu’un programme-catalogue. De ce point de vue, le discours de Nîmes vaut bien le Manifesto puisqu’il met les principales questions européennes en perspective et surtout qu’il les problématise. Pour preuve, c’est ce discours qui a réellement lancé la campagne en France.

J’en arrive maintenant aux propositions sociales du PSE, fidèlement exposées par Sof. De ce catalogue, je retire tout d’abord tout ce qui ne relève pas des compétences de l’Europe, pour les raisons profondes que j’ai déjà eu l’occasion d’exposer à propos du principe de subsidiarité. Il en va ainsi des droits de l’enfant, de la reconnaissance du mariage homosexuel, de la rémunération des stages en entreprises, et de tant d’autres choses. Il y a ensuite les déclarations d’intention non contraignantes qui servent à remplir les pages d’un programme comme la clause de progrès social ou encore « la mise en place dans chaque pays d’allocations adaptées aux chômeurs, aux personnes âgées et aux invalides du travail qui leur permettent de vivre dignement ».

Plus sérieuse est la réflexion engagée sur le salaire minimum en Europe. Mais là encore, il ne s’agit pas de politique selon moi car il n’y a aucune problématisation de l’enjeu. En quoi va-t-on intéresser un électeur français en lui parlant d’un salaire minimum décent alors qu’il bénéficie déjà d’une telle mesure ? Où est le débat ?

Si l’on a à cœur d’intéresser les citoyens européens pour ces élections, ce qui est notre cas à tous les deux, il n’y a qu’un seul moyen : problématiser les enjeux, comme j’ai essayé de le marteler au cours de cet article. Quand on parle des frontières et de la Turquie, on donne aux gens l’occasion de se déterminer. De la même manière, je propose de problématiser la question sociale : faut-il ou non s’accorder sur le fait que la crise économique et financière réhabilite le modèle social européen ? On entend beaucoup dire à gauche (mais aussi à droite), que ce modèle prouve son efficacité en amortissant les effets de la crise. Je pense pour ma part qu’il s’agit d’une profonde erreur d’analyse et qu’il y a au contraire un risque que notre continent, obsédé par l’idée de protection (sociale, économique, alimentaire…), en oublie de créer des richesses et de se battre dans la compétition mondiale. Ce qui guette l’Europe, c’est que l’idéologie dominante devienne celle du retraité...

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