mardi 28 avril 2009

Le cas Barroso

C'est désormais un classique : pour pallier son absence de proposition politique, la gauche cherche désépérement un bouc émissaire. Sur le plan national, il s'agit bien évidemment de Nicolas Sarkozy et il semble que sur le plan Européen, le rôle ait échu à José Manuel Barroso, Président sortant de la Commission Européenne. L'argument principal du PS, relayé par Sof, est qu'il faut se débarrasser à tout prix de Barroso et donc voter pour le PSE. Essayons d'examiner la question d'un peu plus près...

Qui soutient M. Barroso ? C'est la première question qui fâche, puisque l'opposition qui nous est présentée entre Barroso pour le PPE et Rasmussen pour le PSE est une déformation de la réalité. Trois partis socialistes, au moins, soutiennent en effet le Président sortant : l'Angleterre, l'Espagne et le Portugal. Ajoutons à cela que les Libéraux (groupe auquel appartient le Modem) soutiennent également l'ancien Premier Ministre Portugais, n'en déplaise à François Bayrou. Par ailleurs, le PSE n'a pas officiellement proposé que M. Rasmussen dirige la Commission en cas de victoire de la gauche aux futures élections, même si Martine Aubry lui a apporté son soutien au nom du PS Français. Enfin, ni l'UMP ni le Président de la République n'ont officiellement apporté leur soutien à M. Barroso, même s'ils saluent son action. Les choses sont donc plus complexes qu'on aimerait nous le faire croire, et je dois dire que je suis le premier à le déplorer, il faudrait que chaque grand groupe au Parlement Européen désigne clairement un candidat pour présider la Commission au début de la campagne électorale.

Que penser du bilan de José Manuel Barroso ? Difficile de répondre à cette question (comme cela l'était pour ses prédécesseurs d'ailleurs), car être Président de la Commision, ce n'est pas être Premier Ministre d'un gouvernement. La capacité d'initiative y est moindre et le travail est avant tout de longue haleine. Je ne me sens pas capable de juger avec précision de son bilan. Ce que je sais en tous cas, c'est que l'image que certains veulent lui donner est complètement caricaturale. Il n'est pas l'agent infâme de l'ultralibéralisme en Europe. D'une part, il préside un Commission composée de personnalités politiques d'origines diverses, dont certaines appartiennent à la gauche, en particulier celles qui traitent des questions économiques (le commissaire aux Entreprises, celui des Affaires économiques et monétaires, celui à la Fiscalité et celui au Commerce). S'il faut sanctionner la Commission sortante en raison de son impéritie économique, le PSE doit donc figurer au premier rang sur le banc des accusés ! D'autre part, cette Commission n'a été ni moins, ni plus libérale que les précédentes et notamment celle présidée par Romano Prodi qui était majoritairement à gauche et qui a mis en place la libéralisation du marché de l'électricité et des services. La critique de l'ultralibéralisme supposé de Barroso est donc avant tout une manoeuvre électoraliste et opportuniste de la part du PSE.

M. Barroso est-il trop effacé ? C'est une critique qui lui est faite par ceux-là même qui critiquent l'omniprésence de Nicolas Sarkozy sur le plan intérieur, comprenne qui pourra. Il faut reconnaître que M. Barroso n'a pas cherché à voler la vedette aux différentes Présidences tournantes du Conseil Européen, en particulier lors de la Présidence Française. Mais je ne pense pas qu'il faille trop le déplorer. En effet, le Président de la Commission n'a pas vocation à diriger l'exécutif européen ni à prendre trop d'initiatives politiques. Il doit avant tout faire respecter les traités et conduire les politiques qui sont de la compétence de l'Union. Le vrai leadership doit être exercé par le Président du Conseil (qui sera stable si le traité de Lisbonne est adopté), comme a su le montrer Nicolas Sarkozy au deuxième semestre 2008.

Je reconnais qu'il y a ici un débat sur lequel j'aimerais bien connaître la position des socialistes européens : doit-on aller vers une Europe Fédérale avec un leadership exercé principalement par le Président de la Commission, ou vers une Europe Confédérale, avec un leadership du Président du Conseil ? Pour l'UMP (et pour moi), c'est clairement la deuxième voie qui doit être empruntée, et je m'en expliquerai plus longuement dans un prochain article. Libre à Sof de défendre l'autre voie, mais dans ce cas qu'il l'indique clairement et en tire toutes les conséquences.

Pour conclure, je dirais que Barroso n'est pas plus l'horrible ultralibéral-atlantiste décrit par une partie du PSE que Nicolas Sarkozy n'est le réactionnaire autoritaire décrié par le PS. Il est, de surcroît, un ami de la France qui avait eu le courage de dire devant l'Assemblée Nationale en 2006, en réaction à la vague d'autoflagellation qui régnait à l'époque, cette phrase : "Le pays de Molière serait-il atteint du syndrome du malade imaginaire ?". Ce jour-là, il a gagné mon estime.

3 commentaires:

  1. Bonne défense de Barroso! Dont l'amalgame avec l'UMP était de toute façon un peu abusive...
    Toutes mes confuses, je suis en retard, mais je rattrape! Et pour l'instant, dans le débat, je dois dire que la présentation de l'UMP me semble plus honnête que sa détraction au pseudo profit du PS.
    N'ayant pas encore lu toute la suite, je vais peut-être poser les pieds sur des points qui seront beaucoup mieux traités plus tard, je vais donc me contenter de dire que l'argument le plus fort que j'ai lu sur ce blog en faveur de l'UMP, c'est la campagne du PS. Entre dénigrement gratuit des résultats de la droite où qu'ils soient, amalgames, et surtout grandes généralités consensuelles (là, Vincent, ton article sur le Manifesto était vraiment pas mal...) j'ai du mal à me dire que j'ai envie de soutenir ce genre d'attitude.

    Maintenant, un néophite comme moi ne demande qu'à en savoir plus sur ce que propose effectivement la gauche. Mais le jour où la gauche reconnaitra que quelque chose de bien a été fait au cours des dernières années, je commencerai à voir une preuve d'honnêteté intellectuelle, et peut-être qu'alors je serai un peu plus réceptif... Enfin il me reste une bonne douzaine d'articles, j'espère encore!

    RépondreSupprimer
  2. Toutes mes excuses pour mon orthographe de néophyte, c'est que je n'ai pas encore l'habitude de la cour des grands!

    A propos de cours des grands, je voulais juste ajouter d'ailleurs, pour expliquer la faible participation des lecteurs en commentaires, que si tout le monde a autant hésité que moi à en mettre un par peur de dévoiler mon ignorance... C'est bien parce que le débat m'intéresse énormément et que je souhaite que vous continuiez que j'ai pris le risque!

    RépondreSupprimer
  3. Esperons que tu declenches une avalanche de commentaires desormais !

    RépondreSupprimer